La pépite à déguster en lisant ce bel écrit signé Jacques Favier.

 

Le vin, vous êtes tombé dedans étant petit ?

Si vous voulez parler du nectar, pratiquement. Mon père avait été initié jeune, au sortir de la guerre, et ma grand-mère l’avait aidé à constituer une cave, surtout bourguignonne je dois l’avouer, qui aujourd’hui serait celle d’un magnat de la finance, alors que nous vivions sans grand luxe. Bref quand il ouvrait un Chambertin (59, je m’en souviens) , un Bonnes-Mares ou de telles splendeurs, mes frères et moi avions droit à une petite goutte et à une longue leçon. Mais ma famille n’avait ni vigne, ni la moindre attache vigneronne. Les Favier viennent de la Tremblade, à deux heures de route de Fronsac. Là bas on est plutôt ostréiculteur, et mes ancêtres y étaient épiciers. Et je n’ai trouvé aucun vigneron dans aucune branche de ma famille sur 6 ou 7 générations !

 

Pourriez-vous nous raconter l’histoire de votre domaine ?

Ma femme et moi souhaitions mener cette aventure. Nous avons visité des vignes près de Saumur, à Vezelay, dans le clos Vougeot, à Givry, et bien sûr à Saint-Emilion. Quand on m’a appelé pour me proposer un petit domaine à Fronsac, j’ai répondu « personne ne sait où ça se trouve ». Je suis arrivé sous la pluie, et j’ai quand même eu le coup de foudre. Elle est venue avec moi la fois suivante, sous le soleil, et nous savions que cette petite bâtisse, à l’époque un peu ruinée mais dominant du haut du tertre de la Mouleyre une vue s’étendant presque à l’infini, ces vignes déjà vénérables, entourées d’arbres plantés dans un paysage presque toscan était un endroit où nous nous sentirions heureux quand nous pourrions nous y retirer. Le type de vin nous plaisait à tous deux. Une bouteille que l’on puisse ouvrir à table devant ses amis pour les étonner, mais sans que le prix de la bouteille ne soit gênant. Nous avons eu de la chance, le terroir est vraiment privilégié, il y a un « climat » comme on dit en Bourgogne. La Mouleyre est-elle comme on me l’a dit un lieu où l’on faisait sécher le linge mouillé? Je n’en sais rien, mais le lieu est bien parcouru par le meilleur de phytosanitaires, le vent. Mes vendangeurs me disent chaque année que ma récolte est plus saine que celle qu’ils ont fait la veille.

 

La journée d’un vigneron en hiver ça ressemble à quoi ?

Dans mon cas, cela ressemble à une journée de cadre parisien, ce qui n’est guère passionnant à raconter ici. Mais l’hiver est aussi la bonne saison pour vendre mon vin. J’avais pensé qu’un négociant viendrait miraculeusement me faire un gros chèque quelques jours après la vendange. J’ai dû me mettre à vendre mon vin, à en parler aux copains, mais comme ils ne peuvent pas décemment tout absorber, à en parler surtout aux cavistes et aux restaurants.

 

Si vous deviez faire un autre métier… Une petite idée ?

Quand j’étais jeune je voulais être gardien de phare ( le sang charentais, peut-être). Aujourd’hui, mon prochain job c’est la retraite. Mais j’ai aussi un autre métier, je suis un peu historien. Le vin c’est une histoire. Le vignoble c’est peut-être le seul foncier dont on puisse dire parfois au mètre-carré près à qui il appartenait il y a 500 ans et plus, et à quel prix on le vendait alors.

 

Pourquoi « Petit Âne » ?

Le Château s’appelait « Vieux Mouleyre » et au début je vendais sous ce nom. Château Favier, pour 2 hectares, aurait été inutilement prétentieux. Mais les meilleurs clients l’appelaient Vieux Moulin, voire Vieux Machin. Un jour je prenais l’apéro au bord de la cheminée, le feu éclairait la taque en fond qui représentait la « Fuite en Egypte » . J’ai dit à ma femme « on va l’appeler « la Fuite » , mais elle a émis l’hypothèse que j’étais fou. J’ai opté pour le Petit Âne, en gardant l’image de la taque de cheminée. Parce que celle-ci n’était pas là par hasard. J’ai vécu en Egypte, et j’aime les ânes.

 

Un point commun, justement, entre vous et votre Petit Âne ?

La gourmandise (pour ne citer qu’un seul des péchés capitaux) et la malice ! L’âne est un animal fascinant. Comme le chien, il devine vos pensées, joue avec vous en anticipant. Comme le chat on ne le domine pas, on négocie. C’est une relation de séduction. Avec ma famille, nous avons fait des randonnées en compagnie d’ânes en Normandie, en Picardie et dans le Jura. Mon ânesse aujourd’hui s’appelle Ukraine, c’est une rouée. Elle accepte les carottes mais préfère les pommes, et raffole des noix, même si elle trouve que je suis bien long à les ouvrir.

 

Si votre vin était un Walt Disney, lequel serait-il ?

Mes enfants m’ont comparé au roi Lion (quand je suis bon et magnanime) ou au roi Triton (quand je suis en colère) mais je me vois très différemment : comme Gepetto. Mon vin, il est donc comme Pinocchio. Moi j’essaye de faire de mon mieux, avec sérieux et tendresse, mais il faut quand même que chaque année la fée bleue viennent en faire un vrai petit vin vivant, gentil et attachant.

 

Une recette à base de coquillage et crustacés qui ravirait nos papilles ?

Anna ?

« Un velouté de carottes aux moules. 800g de carottes des sables, 2 litres de moules nettoyées, 7/8 échalotes, un pied de céleri, un bouquet de persil plat, un 1Ž/4 de verre de vin blanc et du bouillon de légumes instantané. Préparez les moules. Chauffez un peu d’huile d’olive dans une casserole assez grande pour les moules. Faites revenir la moitié de l’échalote hâchée et 4 branches de céleri coupées en morceaux. Assaisonnez, ajoutez les moules et le quart de verre de blanc. Faites cuire les moules une vingtaine de minutes jusqu’à ce qu’elles s’ouvrent. Pendant ce temps préparez le velouté : faites revenir le reste de l’échalote et des petits cubes de céleri dans du beurre ou de l’huile. Ajoutez les carottes puis recouvrir de bouillon. Laissez frémir pendant au moins 20 minutes; pendant que les carottes cuisent tranquillement, sortez les moules et prenez le temps de les sortir de leurs coquilles. Conservez un peu de jus de cuisson filtré. Passez les carottes au mixer ou au blender de façon à obtenir un velouté, ajoutez les moules et du jus de cuisson des moules »

 

Dites nous tout… pourquoi avez vous eu envie de travailler avec la Grande Famille du Petit Ballon ?

J’ai découvert le Petit Ballon grâce à un avocat œnophile, qui préférait me séduire par le choix des mets et des vins que par son savoir faire juridique, puisque je lui faisais déjà toute confiance (il va me lire, donc j’aime autant préciser). Je suis passé dans la petite boutique de la rue du Rocher et j’ai vraiment aimé votre choix de vins. Je suis un peu exigeant, vous savez : à table j’aime être en bonne compagnie, et mes bouteilles sont comme moi, dans ma cave, sur la carte d’un restaurant ou sur les rayons d’un caviste, elles aiment les belles fréquentations. Je me souviens d’un champagne vraiment élégant (et pas trop cher) et d’un muscat grec original et surprenant. Enfin le concept m’a plu, et je suis heureux de pouvoir, pour une fois, m’adresser aux amis inconnus qui vont ouvrir un « petit âne ».

Le Petit Ballon, c’est chaque mois :
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